Ecouter
Nous entendons, en général, ce que nous voulons entendre, et excluons tout ce
qui nous dérange. A toute expression d'une idée troublante, nous opposons une
sourde oreille; et surtout lorsqu'il s'agit de questions profondes, religieuses,
qui ont de l'importance dans la vie, nous avons une tendance à écouter très
superficiellement. Si même il nous arrive d'entendre, ce ne sont que les mots
que nous entendons, non le contenu des mots; car la plupart d'entre nous
refusent d'être dérangés. La plupart d'entre nous veulent continuer à vivre
selon leurs habitudes, car modifier, provoquer un changement, signifie déranger,
amener des troubles dans notre vie quotidienne, des troubles en famille, des
troubles entre femme et mari, entre nous-mêmes et la société. Et, pour la
plupart, nous ne sommes pas disposés à nous laisser troubler; nous préférons
suivre la voie facile de l'existence; et qu'elle mène à la misère, au désordre,
à des conflits, est apparemment de très peu d'importance. Tout ce que nous
voulons, c'est une vie facile : pas trop d'ennuis, pas trop de dérangements, pas
trop de réflexion; et ainsi, lorsque nous écoutons, en réalité nous n'entendons
rien. Nous avons peur d'entendre profondément; mais ce n'est que lorsque nous
entendons profondément, lorsque les sons pénètrent loin qu'il y a la possibilité
d'un changement fondamental, radical. Un tel changement n'est pas possible si
vous écoutez superficiellement. Ecoutez sans aucune résistance, sans aucun
préjugé; écoutez, ne faites rien de plus ; ne faites pas des efforts exténuants
pour comprendre, parce que la compréhension n'est pas le fruit de l'effort; la
compréhension n'est pas le résultat d'une lutte. La compréhension vient
promptement et sans qu'on sache comment, lorsque l'effort est passif; ce n'est
que lorsque le faiseur d'efforts est silencieux que survient la vague de la
compréhension.
J. KRISHNAMURTI - Sur l'art d'écouter