La Prière
Méthode préconisée par Syméon le Nouveau Théologien dans un livre où sont consignées les subtilités de cet "art des arts" qu'est la prière : la philocalie.
- "Assieds-toi." cela concerne d'abord la posture, l'attitude juste, "la posture qui exclut l'imposture" (mais il ne s'agit pas de rentrer dans un moule, il n'y a pas de méditation "prêt-à-porter"); être ni crispé ni avachi, dans une attitude de repos et en même temps de vigilance... C'est la posture de la bien-aimée dans le Cantique des Cantiques : "Je dors mais mon cœur veille".
La façon juste de s'asseoir est celle qui nous permet de rester le plus longtemps possible immobile et sans fatigue, l'immobilité du corps favorisant celle de l'esprit, même si dans un premier temps celui-ci s'agite, d'où l'importance de persévérer dans cette immobilité.
- "Assieds-toi", au niveau psychologique, cela veut dire "retrouve ton assise", "sois dans une attitude de stabilité et d'équilibre" ; en français il y a cette expression "être dans son assiette" qui désigne bien l'état d'une personne en harmonie avec elle-même.
- Dans un sens plus spirituel, l'assise c'est ce que Saint Jean appelle la "Demeure", apprendre à Demeurer en Dieu, "Demeurer en lui comme lui demeure en nous". Demeurer en son Amour, avoir son assise, son siège, sa racine en Lui, en tout temps et en tous lieux...
- "Tais-toi." Silence des lèvres, silence du cœur, silence de l'esprit, trois degrés où, de silence en silence on approche du silence infini de la Présence.
- "Respire plus doucement." Il ne s'agit pas de maîtriser sa respiration ni de la mesurer, mais plutôt de l'accompagner, de la calmer, de l'adoucir... on connaît mieux aujourd'hui l'influence de la respiration sur le psychisme, l'attention au souffle est un sûr moyen de concentration, on pense différemment quand le souffle est calme et profond ; par ailleurs dans un moment de suspension de la respiration la pensée est également "suspendue", on goûte un certain silence. D'où vient notre souffle, où retourne notre souffle ? Être attentif à l' "inspir" et à l' "expir" peut déjà nous emmener très loin, mais pour la tradition hésychaste l'attention au souffle est vraiment un exercice spirituel. Le souffle, c'est la Ruah, l'haleine de Dieu, le pneuma, le Souffle du Père, que nous traduisons en français par Saint-Esprit. Respirer profondément, respirer plus doucement c'est s'approcher de l'Esprit de Dieu, et à un certain moment se sentir inspiré, expiré par lui. On peut se sentir comme porté par les grandes vagues du Vivant : "Il donne son souffle à toutes choses et elles vivent... Il retire son souffle et elles retournent à la poussière."
Ecrits sur l'Hésychasme - Jean-Yves Leloup