Le Réel est là
Tout est là, le Réel est là, nous y sommes ; manque la perception que tout est là. C'est ainsi que le réel nous apparaît comme voilé. Quelle est la nature du voile ? Sans doute une contraction, une tension de la perception ? La saisie objectivante d'un objet qui nous prive d'une saisie plus globale, mais nous prive surtout de la non-saisie...
Ouvrir les portes de la perception, c'est détendre les yeux, les oreilles, les mains, les pieds, puis les organes internes...détendre le cerveau, observer que lui aussi est susceptible de tension dont on peut "apprécier" les symptômes au niveau frontal ou à la base de la nuque. L'estomac, le foie, le cœur, eux aussi sont capables d'exprimer un certain malaise, une oppression ; observer ces tensions, les ressentir sans les juger, les "laisser être" est sans doute un commencement de détente.
On peut découvrir ensuite que c'est toute notre soi-disant identité qui est contraction, mécanisme de défense, réaction contre ce qu'elle considère comme une menace d'anéantissement ; la peur d'être rien (de particulier) ou la peur d'être tout, c'est la même peur. La métanoïa, ou conversion, c'est lorsque nous découvrons que la peur de notre anéantissement est l'occasion de notre accomplissement ; notre réel analogue s'accomplit dans le Réel souverain, notre petit "je suis" laisse être le "Je suis qui est ce qu'Il est". La joie nous envahit - cette invasion ne détruit rien, elle est frémissement de Tout.
Jean-Yves Leloup - L'assise et la marche