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L'Intelligence humaine

L'intelligence humaine, à force de ne se fixer que sur les choses de l'ordre
externe, dont elle ne parvient pas même à se rendre un compte qui la satisfasse,
se ferme bien plus encore sur la nature de son être, que sur celle des objets
visibles qui l'environnent ; et cependant, dès que l'homme cesse un instant de
porter ses regards sur le vrai caractère de son essence intime, il devient
bientôt entièrement aveugle sur l'éternelle source divine dont il descend,
puisque si cet homme, ramené à ses éléments primitifs, est le témoin par
excellence et le signe positif par lequel cette source suprême et universelle
puisse être connue, elle doit s'effacer de notre esprit, dès qu'on fait
disparaître le véritable miroir qui ait la propriété de nous la réfléchir.

Quand ensuite de louables écrivains et d'estimables défenseurs de la vérité
veulent essayer de prouver qu'il y a un Dieu, et déduire de son existence toutes
les conséquences qui en résultent, ne trouvant plus cette âme humaine assez
régulièrement harmonisée pour leur servir de témoignage, ils se reportent sur la
nature et sur des spéculations puisées toutes dans l'ordre externe. C'est pour
cela quand dans nos siècles modernes, nombre d'excellents esprits ont employé
toutes les ressources de la logique, et ont mis à contribution toutes les
sciences extérieures, pour tâcher d'établir solidement l'existence de la
Divinité ; et cependant, malgré ces nombreux témoignages, jamais l'athéisme n'a
eu plus de vogue et n'a autant étendu son empire.

Ce serait donc une grande gloire pour notre espèce, comme ce serait une grande
sagesse dans la Providence, que toutes les preuves prises dans l'ordre de ce
monde fussent si défectueuses. Car si ce monde avait pu nous offrir des
témoignages complets de la Divinité, elle se serait contentée de ce témoin ; et
elle n'aurait pas eu besoin de créer l'homme. En effet elle ne l'a créé que
parce que l'univers entier, malgré toutes les magnificences qu'il étale à nos
yeux, n'aurait jamais pu manifester les véritables trésors divins.

Louis-Claude de Saint-Martin (1743-1803) - Le Ministère de l'Homme-Esprit